"Gardons-nous de fatiguer le lecteur en des dissertations inutiles qui n’auraient d’autres conséquences que celle de déflorer le charme nouveau et quelque peu mystique qui se dégagera certainement d’une bien vieille chose. Notre but quoique modeste, ne sera pas sans attraits, il vise surtout à conserver aux générations futures le souvenir de certaines traditions populaires qui s’éteignent. Il serait regrettable de laisser dans l’ombre l’histoire des associations secrètes ouvrières de France et de l’étranger et qui ne sont que très vaguement connues, sous leur titre de Compagnonnage."

                                                                                  Abel Boyer

Nous reprenons volontiers à notre compte ces paroles d’Abel Boyer, extraites du préambule du premier numéro de la revue qu’il avait fondée en 1926, intitulée Les muses du Tour de France. Nous les reprenons dans un contexte fort différent puisque les travaux et publications de qualité sur le Compagnonnage se sont multipliés ces dernières décennies, notamment de la part d’historiens et d’universitaires de disciplines différentes. Tous les auteurs de ces recherches et travaux ne sont pas Compagnons, c’est pourquoi nous avons voulu dans ces pages redonner la parole, la simple parole, sans la commenter, à quelques Compagnons afin qu’ils évoquent pour nous leurs expériences, leurs souvenirs, leurs vies quotidiennes, leurs espérances, leurs doutes, leurs réussites, leurs échecs, leurs croyances, leurs aspirations. L’expérience est supérieure à l’idée.

Il ne s’agit donc pas d’exhaustivité, ni historique ni sociologique, mais de témoignages, de voix, de moments de vie saisis sur le vif ou au contraire avec distance, de rencontres et de partages comme notre monde, en constante accélération et en pleine virtualisation, ne peut que rarement en offrir.

Il convient d’avancer dans ces pages avec une saine curiosité pour la simplicité, la « pauvreté », cette noblesse si ancienne, nous rappelait Georges Bernanos, un intérêt pour l’achèvement, l’accomplissement, la réalisation, la beauté du travail, la fraternité, les savoirs anciens, l’oralité, les traditions enfin, au sein même d’une modernité en pleine dérive.